Il est des paysages qui racontent une histoire …
Aux confins des 3 départements de la Vendée, des Deux-Sèvres et de la Charente-Maritime, un endroit magique sait conserver ses secrets : le Marais Poitevin et sa Venise verte.
Un immense bocage qui décline ses camaïeux de verts à l’infini au travers d’étroits cours d’eau perdus dans la chevelure épaisse des arbres tels que les frênes têtards ou les peupliers.
C'est en "plate", la barque traditionnelle à fond plat du maraîchin que l’on peut ramer des heures, des jours dans ce maquis aquatique, le tapis vert des lentilles aura tôt fait de se refermer sur vous après votre passage dans le marais aux innombrables labyrinthes de 400 km de canaux navigables.
Mais le marais Poitevin se meurt, la plus grande zone humide de France, après la Camargue, s’assèche, vidée, pompée, drainée pour répondre aux besoins croissants de la culture céréalière.
Autrefois envahi par la mer, le Marais est entièrement façonné de la main de l’homme au XIe siècle, d’abord par l’élévation de digues sur le pourtour des îles pour lutter contre l’envahissement de la mer, mais il a fallu contrer un autre problème, les eaux douces provenant de la plaine et des prairies.
Au XIIe siècle, la mer recule et l’étendue des terres augmente. Les moines Bénédictins défrichent alors les terres, creusent les canaux et de nouvelles digues se construisent pour contenir l’invasion de la mer dans le Golfe des Pictons, une vaste étendue marécageuse où apparaissent peu à peu fossés, conches et rigoles, des canaux qui drainent les eaux de pluie pour les renvoyer au-delà des digues.
Les marais desséchés voient le jour.
Au XIIIe siècle arrivent les champs fertiles et les vignobles, irrigués grâce au Canal des Cinq Abbés qui reste le maillon principal de drainage du Marais. La poldérisation est née.
Hélas, la guerre de 100 ans et les guerres de Religions vont enrayer l’évolution des travaux et la nature reprend rapidement ses droits, rompant les digues et réduisant ainsi à néant tous les efforts fournis précédemment.
C’est au XVIe siècle, sous le règne d’Henri IV qu’une nouvelle tentative sera entreprise pour assécher le marais et le rendre cultivable afin de lutter contre la famine qui règne après toutes ces guerres.
La partie occidentale en aval, protégée par des digues, est desséchée et le fond du golfe reçoit les eaux de la plaine vendéenne.
Vers la fin du XVIIIe siècle, le marais desséché gardera l’aspect que nous connaissons aujourd’hui alors qu’en amont, le Marais mouillé restera sauvage, à l’état de rouchis, condamné à de longues périodes de crues dues au débit trop lent de l’évacuation de l’eau douce dans les marais adjacents par les bassins versants.
Il sert d’éponge durant les crues l’hiver pour le Nord et l’Est et durant l’été, de réservoir d’eau pour le Marais desséché, protégé par des bondes qui s’ouvrent et se ferment selon les marées.
Au XIXe siècle, des barrages et des écluses seront construites.
Le marais maritime, quand à lui, reçoit 2 fois par jour la marée et son dépôt d’alluvions avec pour conséquences un rehaussement des terres et un retrait de la mer de 20 à 25 mètres par an.
La zone vasière prend de l’ampleur, colonisée par la salicorne dans le slikke en aval et dans le schorre en amont pousse la mizotte, appelée aussi les prés salés et qui fournit un fourrage de qualité.
C’est là que vous rencontrerez de nombreux limicoles tels le vanneau huppé ou encore les oies sauvages …
Le Marais a une superficie de 100.000 hectares, répartis en 3 zones distinctes :
- Le Marais maritime -> vasières et prés salés bordant la baie de l’Aiguillon
- Le Marais desséché -> s’étendant de la baie de l’Aiguillon jusqu’à Marans (80.000 ha)
- Le Marais mouillé -> la Venise verte, lacis de canaux, conches et rigoles, inondable par les crues ou les engorgements de Marans à Niort.
De nos jours, l’exploitation des 200.000 peupliers dans le Marais Mouillé approvisionne 60% de la production du contre-plaqué en France.
La flore et la faune y sont d’une richesse incroyable et des milliers d’oiseaux migrateurs s’y arrêtent durant l’hiver et au printemps.
On y retrouve par exemple la loutre, le sandre, le brochet et l’anguille dont la survie est fortement compromise à cause du braconnage et de la pêche intempestive des civelles, pourtant règlementée.
Il renferme une faune impressionnante avec, entre autres, une héronnière composée de 5 espèces de Hérons (Aigrette garzette, Héron cendré, Héron pourpré, Bihoreau gris, Héron garde-bœufs), le bécasseau tacheté et bien d’autres encore.
Au niveau botanique, la roselière à Phragmites, la roselière à Baldingère, tourbières, prairies mésophiles et prairies hygrophiles sont reconnus du plus haut intérêt.
C’est là que de nombreuses espèces sédentaires ou migratrices viennent pour se nourrir ou se reproduire, ou encore pour s’y arrêter un moment, une étape durant leur long voyage.
Afin que cette zone puisse continuer à se développer, il faut que l’homme entretienne ce milieu, en fauchant les prés, taillant les arbres, curant les canaux et en évitant la prolifération des plantes et des espèces animales exogènes qui entraineraient une régression inévitable des espèces locales.
Hélas, la nappe phréatique s’épuise par la diminution d’eau dans les canaux et les rivières et en contrepartie, ce sont les eaux maritimes qui remontent dans les terres.
Le Marais ne joue plus son rôle de régulateur ni d’épurateur naturel.
Son écosystème s’appauvrit de manière alarmante suite à l’élevage intensif du maïs boit-sans-soif, des pesticides et des engrais.
Les effectifs de canards hivernants ont chuté de près de 75% en 20 ans !
Une rupture de l’équilibre entrainera un bouleversement écologique irréversible à court terme.
L’élevage de bovins et d’autres animaux comme le baudet du Poitou, qui avait quasi disparu, permet d’entretenir certaines parcelles du Marais.
La maraichine est une race bovine adaptée au milieu humide du Marais Poitevin
Le Baudet du Poitou, race emblématique du Marais Poitevin.
Grâce au tourisme grandissant, l’activité locale reprend son essor pour la survie et la conservation de ce lieu magique qu’est le Marais Poitevin.
Il faut conserver à l’esprit que le marais Poitevin est né d’une puissante interaction entre l’homme et la nature et c’est un milieu artificiel qui nécessite un entretien et une vigilance constants.
Mais beaucoup d’efforts restent cependant à fournir …
Les mots du Marais Poitevin 
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