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Auteur Sujet: L'hétéronette à tête noire - Heteronetta atricapilla  (Lu 1797 fois)

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24 novembre 2019 à 21:04:24
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Bonjour à tous,

Comme promis, c’est avec plaisir mais une grande modestie que je vous écrit quelques mots sur ces oiseaux atypiques. Modestie car n'ayant eu la chance de les maintenir que quelques années, mon recul est très limité. Vous trouverez donc ci-dessous non pas une expérience d'élevage, mais plutôt mes premières impressions et quelques conseils de détention. N’hésitez donc pas à l’enrichir si vous avez-vous-même pu maintenir cette espèce ou eu écho d’expériences d’élevage en captivité.

Ayant toujours été attiré par les espèces peu ordinaires et délaissées pour de mauvaises raisons (plumage cryptique, peu demandées), je ne pouvais qu’être séduit par ces canards. Mes recherches pour en acquérir furent d’abord vaines mais m’avaient tout de même menées aux stictonettes. Quelques mois plus tard, le hasard me fit croiser une petite annonce pour un couple adulte d’hétéronettes à tête noire. Après quelques échanges avec l’éleveur, me voilà donc parti aux nord des Pays-Bas pour récupérer les précieux oiseaux. Il s’agissait d’un couple de 2 ans, de souche britannique. Mes observations se basent donc uniquement sur ces deux oiseaux là et ne se veulent donc pas être une généralité.


La troupe presque au complet, ne manquent que les néo-zélandais.

Les hétéronettes sont des oiseaux très placides. Elles seront plutôt indépendantes, en limitant au maximum leurs interactions interspécifiques : elles font leur petite vie en ignorant les autres pensionnaires (même si elles imitent souvent leur comportement par mimétisme). Elles ne sont pas pour autant timides et savent trouver leur place parmi les autres pensionnaires. Elles cohabitaient à la maison avec les stictonettes, les érismatures rousses et les fuligules de NZ sans aucuns problèmes. J’éviterai cependant la cohabitation avec des espèces trop dominantes ou turbulentes. Si les hétéronettes ne se laissent pas impressionner, elles capitulent cependant très rapidement en cas de conflit et risque de devenir les boucs émissaires d'oiseaux trop territoriaux. Les interactions intraspécifiques ne sont pas très développées non plus, toutefois elles sont plutôt sociables et mon couple était souvent occupé par la même activité au même endroit.

Je ne sais pas s’il s’agit d’une généralité mais mes oiseaux étaient peu farouches dès leur arrivée. Sans être hyper familières, elles se sont vite montrées confiantes.



24 novembre 2019 à 21:04:38
Réponse #1
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L'HETERONETTE A TETE NOIRE – HETERONETTA ATRICAPILLA

Le couple, quelques minutes après leur arrivée !

Classe : Oiseaux

Ordre : Anseriformes

Famille : Anatidés

Longueur : 35 – 40 cm

Poids : 430 – 630 g

Longévité : NC

Nom scientifique : Heteronetta atricapilla

Synonymes : Black-headed Duck (EN), Kuckucksente (DE), Koekoekseend (NL), Gobbo testanera (IT), pasożytka (PL), Marreca-de-cabeça-preta (PT)

Numéro de bague d’élevage : 10


Caractères distinctifs :

Le corps est assez long se terminant par une queue courte, le cou est épais sur une petite tête avec un bec mince (culmen légèrement concave).

Le mâle est d'un brun noirâtre sur la tête, le cou et le dessus, alors que le dessous est vermiculé ou pointillé d'un brun chaud.
Le bec est gris-bleu, en période de reproduction la base devient rougeâtre.

La femelle est plus terne, d'un brun foncé sauf les côtés de la tête d'un brun plus pâle.
La calotte et le trait oculaire sont foncés.
Le cou, le dessous sont d'un brun plus clair, finement pointillé ou vermiculé
ATTENTION : confusion possible avec la femelle de la sarcelle Canelle au niveau des flancs et de loin.


Femelle adulte  et  Mâle adulte

L'hétéronette à tête noire a un vol rapide et puissant, et s'envole facilement.

DESCRIPTION DE L’ESPECE EN MILIEU NATUREL :

Habitat :
L'espèce est présente du Paraguay à l'Argentine ainsi que dans le centre du Chili. Elle y fréquente des marécages semi-permanents très végétalisés (azolla, scirpus) voire certaines zones inondées.

Alimentation :
In-situ, l'espèce serait majoritairement granivore (graines de Scirpus californicus) qu'elle récolte en filtrant et en plongeant.

Leur spécialité: la filtration !

Reproduction :
Aucune évidence de confection de nid ni d'incubation n'a jamais pu être mise en évidence: l'hétéronette apparaît comme un parasite obligatoire et la seule espèce d'anatidé avec ce trait. Seule l'incubation est confiée à l'hôte, le caneton quittant le nid de manière très précoce et commençant sa vie de manière autonome. Si l'espèce est susceptible de parasiter un large panel d'oiseaux, il s'avère qu'elle cible cependant deux espèces de foulque et une espèce de mouette, toutes abondantes et très communes au sein de son aire de distribution. Le choix de ces hôtes agressifs dans la défense de leur nid garanti à l'hétéronette une très bonne protection de ses oeufs contre la prédation. Malgré tout, moins de 30% des œufs d'hétéronettes parviennent à boucler leur incubation, souvent par rejet ou négligence de la part de l'hôte.

Comportement :
L'espèce a un comportement général assez proche de celui des autres canards. Ce n'est pas un espèce agressive et elle est dominée dans son habitat naturel par toutes les espèces de grèbes, foulques et canards, même si elle se mélange souvent avec les sarcelles versicolores. Il semblerait que des regroupements aient lieu durant la mue.


Chant :
Ils sont assez silencieux.
https://www.xeno-canto.org/50885

Informations complémentaires sur l'espèce dans le monde :
Préoccupation mineure (Stable).


24 novembre 2019 à 21:04:51
Réponse #2
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DESCRIPTION DE L’ESPECE EN ELEVAGE :

A l’instar des plongeurs, les pattes sont chez les hétéronettes situées très à l’arrière du corps, en plus d’être très courtes et menues. Le plongeon n'est cependant pas leur spécialité: elles plongent rapidement et très verticalement, à la manière des dendrocygnes (cf vidéo ci-dessus). Je ne les ai que rarement vu plonger et elles flottaient comme des bouchons. Ce sont plutôt des filtreurs qui lors du nourrissage immergé, se sont toujours limités au basculement du corps.

Parc /Installation :
En raison de leur morphologie particulière, il est impératif que leur bassin soit très facile d’accès. Ces oiseaux n’ont pas une morphologie facilitant les déplacements terrestres (elles rampent et trébuchent souvent) : évitez les obstacles tels qu’un empierrement en bordure de bassin et veiller à maintenir en permanence un niveau d’eau maximal (je ne les ai jamais vu sortir de l’eau en se donnant une petite impulsion comme le font la majorité des canards, elles se laissent simplement glisser hors de l’eau).

Toujours dans cette optique, pensez à disposer des branchages affleurant la surface de l’eau ou immergés de quelques centimètres. Ce seront leurs hotspots privilégiés pour la toilette. Elles apprécient la quiétude de berges bien végétalisées surplombant l’eau et de manière générale, sont très respectueuses de la végétation aquatique. A l’instar de leur congénères sauvages, elles passent beaucoup de temps à filtrer l’eau et apprécient particulièrement de pouvoir le faire sur un tapis de lentilles d’eau ou d’azolla. Prévoyez-en une petite réserve :)

Réserve d'azolla dans le bassin de la volière. Cet habitat leur conviendrait bien !

Sortant rarement de l’eau, comptez à minima une dizaine de m² d’eau, sachant qu’il vous faudra les élever avec d’autres anatidés. L’idéal pour le maintien de cette espèce est je pense un réseau de petits bassins interconnectés et bien végétalisés. Etant sud-américaines, elles ne sont pas particulièrement sensibles au froid à condition d’avoir de l’eau libre en permanence (prévoir bulleurs si nécessaire).

Alimentation :
Les hétéronettes ne sont franchement pas difficiles : granulés entretien, floating, millet… Pourvu que cela leur soit facilement accessible. A titre personnel, je leur donnais chaque jour une ration de mélange petites perruches immergé. C’était (comme pour les érismatures et stictonettes qui partageaient leur bassin) leur aliment de prédilection et celui qui avait pour elles la plus grande appétence. Le granulé entretien était donné dans une écuelle placée en berge de bassin et renouvelé chaque jour. Le floating (Verselelaga allround) était donné occasionnellement sur l’eau mais ne suscitait pas grand intérêt. Sans oublier les lentilles d’eau et l’azolla données en abondance.

Leur spécialité: la filtration !

Reproduction :
Je n’ai hélas pas grand chose à écrire ici ! La prise de couleurs lors de la reproduction est subtile: le mâle arbore un bec bien plus coloré et sa tête est d'un noir plus profond.

J’ai pu observer quelques parades très subtiles aussi associant hochements de tête, gargouillis et gonflement de gorge. Vous pourrez remarquer ce comportement au début de la vidéo :


D’après mes lectures, notamment celles du WWT de Slimbridge, elles parasitent un large panel d’espèces, allant des sarcelles aux cou-roux, et n’hésiteraient pas à s’insérer dans les chicanes pour commettre leur méfait malgré leur faible équipement ad-hoc. Je pense que l’idéal est de les élever avec des espèces nichant au sol en bordure de bassin (fuligules, érismatures) et/ou ayant une large période de reproduction avec plusieurs pontes (hottentotes). Mais dans une collection mixte elles devraient s’adapter sans trop de mal aux hôtes disponibles. Je n’ai pas de retours sur l’incubation et l’élevage des canetons qui sont nidifuges et autonomes dès leur naissance. Je le soupçonne d’être effectué sur l’eau avec une nourriture flottante et une stimulation type goutte à goutte etc.

Comportement :
Ce qui va d’abord vous frapper la première fois que vous verrez cet oiseau, c’est sa morphologie et sa tenue. L’hétéronette est un anatidé de petite taille, au gabarit proche de celui d’une sarcelle. L’allure est très longiligne, la tenue presque horizontale. Sur l’eau, le cou est souvent allongé, accentuant encore cette impression.


Notez la position particulière du corps. Ce comportement
est accentué en cas de peur: l'oiseau rase l'eau au maximum et file sous le couvert de la
végétation.

Chant :
https://www.xeno-canto.org/50886

Informations complémentaires :
Vermifuge mars et octobre .

Conclusion :
Pour conclure et pour l’anecdote, j’ai perdu mon mâle au cours de l’hiver. Celui-ci avait perdu subitement la motricité de l’une de ses pattes. Je soupçonnais le froid mais il n’y avait ni gerçure ni nécrose. Les radios et examens réalisés par le véto n’ont pas permis d’en déceler la cause et il est décédé en isolement peu après.


Quelques mois plus tard, la femelle fut victime de prédation (rats) : ces petits canards rampant à terre sont une aubaine pour beaucoup de prédateurs. C’est après cet échec un peu amer que j’ai préféré céder les stictonettes (sans regrets, elles sont bien!) et les autres pensionnaires le temps de finir mes études. Mais j’ai hâte de pouvoir m’y remettre et j’espère avoir réussi à motiver ceux et celles intéressé(e)s par cette espèce, que j’espère revoir très vite ici sur Plume ! ;) 

Réglementation et statut :
Détention libre dans la limite des 100 oiseaux.


Copyright © 2019  http://www. plumedeau.com. Tous droits réservés.
Les contenus mentionnés appartiennent à leurs propriétaires respectifs



24 novembre 2019 à 21:05:08
Réponse #3
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Pour aller plus loin, je vous conseille vivement la lecture de l'article (en anglais) ci-dessous apportant quelques lumières sur les mécanismes de parasitisme chez l'hétéronette:

"Patterns of host use by a precocial obligate brood parasite, the Black-headed Duck: ecological and evolutionary considerations (Bruce E. Lyon et John M. Eadie, 2013)

Lien ici: https://www.researchgate.net/publication/274552402_Patterns_of_host_use_by_a_precocial_obligate_brood_parasite_the_Black-headed_Duck_ecological_and_evolutionary_considerations



Adultes, hôte, caneton et nid parasité (Bruce E. Lyon). L'article renferme de rares photos de la nidification de cette espèce méconnue.

Petite vidéo prise à la maison, et peut être déjà postée d'ailleurs. Un oiseau très agréable et intéressant à élever pour ceux qui aiment les espèces discrètes et un peu secrètes  (chut)




25 novembre 2019 à 19:27:13
Réponse #4
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Complément d'informations par Raf

Salut.

J'ai détenu brièvement, quelques mois, je dois avoir quelques photos qui traînent.
Sur bassin communautaire, pas constaté la moindre agressivité, ou à l'inverse timidité (jeunes individus). Régime alimentaire varié et facile, avec goût prononcé pour le millet mouillé, encore plus en fond de bassin.

Complément d'informations par Patrice

Une vidéo concernant la bête ainsi que les marques de piafs qu'elle parasite de façon éhontée ....


et comme vous avez été sage, une autre au sujet de ses habitudes alimentaires .



25 novembre 2019 à 19:52:37
Réponse #5
  • J'ai une question à te poser...est-ce que je peux te la poser?
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"Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors le visage pâle réalisera que l'argent ne se mange pas." Tatanka Yotanka


26 novembre 2019 à 17:09:46
Réponse #6
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Très belle fiche.Merci d'avoir pris le temps robin  ; )


26 novembre 2019 à 19:00:56
Réponse #7
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