Empereur (suite) de la trilogie N° 2 : Chronique d'une Oie blessée, l'oeil tuméfié...
Désormais, cette femelle empereur dont je ne peux mesurer concrètement le degré d’handicap, se trouve confrontée à de
réelles difficultés d’orientation, souvent isolée et battant le rappel d’un appel plus proche du trouble réel que du cri naturel ;
c’est donc, à mon sens, par ces cris répétés qu’elle s’oriente, s’adapte à ce champ visuel rétréci en utilisant les sons qu’elle
localise pour rejoindre son guide distant parfois de plusieurs dizaines de mètres ; une scène qui devient si coutumière que je
n’y prend plus garde, juste pour vous le conter et estimer le plus justement les séquelles d’une rixe qui fait aujourd’hui partie
du passé et qui peut mener à des situations paradoxales comme j’en redécouvre aujourd’hui :
Cou roux, oie empereur, un appariement irrationnel !
A vouloir trop céder aux caprices d’un couple, on finit par en découvrir les véritables causes…
Depuis plusieurs semaines, le couple d’oies empereur intrigue par son comportement, ses attitudes…Tantôt mâle et femelle
semblent se quereller, tantôt ils focalisent mon attention en montrant leur agressivité vis-à-vis du couple de tadornes isolés
dans un parc dont ils jalonnent le contour en montrant des signes d’agacement.
Une autre attitude du couple par instants réconcilié se traduit par des poses couchées ou debout, des heures durant face à la
passerelle ou le long du cours d’eau qui les sépare d’un autre groupe, où elles peuvent entrevoir entre autres, une casarca roux
et une femelle cou roux.
Lassé de constater ces épisodes rédhibitoires, je décide pour trouver la cause de relier les deux mondes, le parc et son voisin,
en libérant la passerelle à ce couple d’empereur dont l’impatience, le désir de regagner l’autre rive ne fait pas l’ombre d ‘un doute.
Quelques secondes suffiront pour franchir le trait d’union qui les sépare des compagnons de groupe et pas plus d’un quart d’heure
me permettra de diagnostiquer et de confirmer les motifs d’un tel empressement.
En effet, comme je l’ai déjà constaté par le passé, quand de simples liens de compagnie tissaient ce groupe et qu’il y régnait un
esprit de tolérance, monsieur l’empereur jouait déjà de son charme, et voici qu’à présent il s’entiche à nouveau de la belle à cou roux,
se fait très pressant en ne la quittant pas d’un tarse, veillant sur elle comme un amoureux très attentionné.
Pendant, ce temps et tout au long de la journée où j’ai pu l’observer, et qui marque les retrouvailles, madame empereur est
postée à bonne distance, cherchant à se sortir de cette situation inextricable en se rapprochant finalement des deux anciens
amants, déjouant ainsi les difficultés qu’elle rencontre à s’orienter.
La belle éconduite est repoussée énergiquement, subissant les assauts du mâle, marqués par des pincements d’ailes très
vigoureux et combien dissuasifs…
Une seconde journée passée à observer de nouveau cette situation qui perdure et la décision est prise de mettre fin, pour
la seconde fois à cette idylle contre nature.
Ainsi, cherchant à en trouver les causes, je finis par conclure que ce mâle empereur est stigmatisé par la présence d’une
espèce dont la familiarité peut trouver ses sources au début de son existence, issue sans doute d’une méthode d’élevage
« artificiel » qui crée des liens, des comportements parfois inexplicables si on ne peut en apporter la preuve ou en déceler
les origines.
Conclusion un peu hâtive, me direz vous, je peux vous en apporter la contradiction car j’ai déjà observé chez ce mâle la même
attirance pour une autre femelle cou roux, il y a quelques mois déjà et que j’aime à souligner ; toutes deux ont été écartées du
groupe d’oiseaux et du couple d’empereurs et seule subsiste aujourd’hui celle qui a fait l’objet de toutes les attentions d’une tentative
de séduction, d’un rapprochement très remarquable au cours de ces deux journées. La même attitude outrancière vis-à-vis de sa compagne,
peut aussi surprendre, quand il s’agit d’une récidive.
Elle ne me paraît pas contestable, quelques mois plus tard, où ce comportement irrationnel, cet appariement pour le moins original et réitéré, certains murmureront « une forme d’imprégnation », vont prendre fin et avec eux l’évidence d’une séparation contrainte mais salutaire pour cette pauvre femelle cou roux !
Reste une grande incertitude, une inconnue, l’énigmatique question de la reproduction d’oies empereur, couple formé depuis plus de
cinq ans en ce lieu, au cœur du « parc du vieux moulin », après de telles péripéties ?
La nature décidera mais d’aucuns me diront leur optimisme, d’autres m’inviteront à m’en séparer présageant une issue incertaine voire
l’incompatibilité d’un résultat à la hauteur de mes espérances…
L’avenir leur appartient, si le ciel leur prête vie, j’attendrai patiemment ne voulant pour ma part ne pas céder au découragement ou
à l’impatience : En un mot, « espérer ».
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